ICI LA PLAGE
En 2020, les abris de fortune présents sur les berges du lac de Bordeaux se sont imposés à mon regard. Sur fond de bâche, seule interface permettant de se soustraire aux regards et de créer un semblant d’intimité, ce travail rend compte des conditions de vie des plus précaires qui y ont échoué ici près de la plage. 
Bordeaux-Lac s’inscrit dans un projet soutenu en 1966 par l’architecte Xavier Arsène-Henri afin de rééquilibrer les quartiers nord de Bordeaux avec plus de 1000 hectares d’espaces inondables asséchés, en partie sur la commune limitrophe de Bruges.
Pourvu d’ensembles immobiliers, de zones commerciales et d’activités, distribué par un réseau de pistes cyclables desservant les plages prévues pour les loisirs et les activités nautiques, l’ensemble dispose de parcs végétalisés et arborés autour d’un lac artificiel de 160 hectares. Ordonné par Jacques Chaban-Delmas dans sa vision de "Ville Millionnaire", c'est une projet ambitieux.
Poursuivit sous les mandats d'Alain Juppé avec le projet Euratlantique, cette opération immobilière d'envergure a pour objectif d'accueillir les 100 000 habitants attendus à l'horizon 2030 et qui aura pour conséquence l'expulsion des plus précaires réduits à vivre dans des squats parfois avec femmes et enfants.
Dans un espace public qui ne répond plus à sa fonction, sans accès à l’eau potable ni à l’électricité, les populations qui ont trouvé refuge sur les berges du lac pour construire leurs habitats se sont constitués en communautés plus ou moins complexes pour y survivre.​​​​​​​
« Habiter, c’est bien plus que se loger : c’est s’inscrire dans une réalité différente pour chacun, c’est un mode de vie, qui touche à la fois à l’intime et au collectif. Habite-t-on toujours où l’on veut habiter ? Le fait-on par raison ou par émotion ? Seul ou avec d’autres ? Les grandes mutations urbaines des XXe et XXIe siècles bousculent les pratiques traditionnelles, tout comme le font aussi les aspirations nouvelles à des formes plus respectueuses de l’environnement. Et que vivent ceux qui habitent « mal » ou n’habitent nulle part ? »
Gaspard Lion - Sociologue et maître de conférences à l'Université Paris 13

Back to Top